Livres de Pierre Garnier

 

    AdolescenceTa vulve

Son battement d’aile

   c’est sur un nid que je pose la main

il en sort un goût amer

des êtres inconnus

mais aussi des être connus

Pierre Garnier, Adolescence

12 euros Buy Now Button


La Forêt_P.Garnier

  C’est la terre, c’est la tête

dit l’enfant en caressant l’épi

il pense aussi:

l’école est aussi la forêt

Pierre Garnier, La forêt

avec les dessins du poète

30 eurosBuy Now Button


Pierre Garnier Présence

Pierre Garnier par Cécile Odartchenko   15 euros  Buy Now Button


photo 2 (4)

Pierre Garnier, Les Devises

rabutinons, rabutinons…

Minus Iris quam mea Bussy-Rabutin

Et les vieux rayonnaient sans l’écharpe d’IRIS (Nerval)

 

A Cécile Odartchenko, ces devises faites dans le cadre de son salon littéraire par correspondance, quand elle était en résidence au Château de Bussy-rabutin en Bourgogne de mai à juillet 2007.

Les devises sont des formes resserrées, essentielles, pour la vie sociale, sont les parentes de ces traits d’esprit, de ces éclairs, de ces pointes qui étaient les cimes des conversationsdes honnêtes hommes et des précieuses.

26 eurosBuy Now Button


La vie est un songe

Pierre Garnier, La vie est un songe

 

Alors que le vieil homme a quatre-vingts ans, sa vie

penche vers la terre, traverse à nouveau adolescence

et enfance, termine son arc

cette vie fut un songe. Titre emprunté à la célèbre

pièce de Calderon.

Buy Now Button 12 euros


Heureux les oiseaux, ils vont avec la lumièrePierre Garnier, Heureux les oiseaux ils vont avec la lumière,  10 eurosBuy Now Button


Ce monde qui était deux Pierre Garnier, Ce monde qui était deux   10 euros Buy Now Button


photo 1 (2)

Oeuvres Poétiques de Pierre Garnier : Poèmes, Prose, Dessins, Calligrammes 1950-2002

Trois tomes

Oeuvres poétiques 1

1950-1968

Poèmes choisis, proses, autres poèmes

Préface de Lucien Wasselin

798 pages

30 eurosBuy Now Button

« L’humanité depuis des millénaires travaille à charger les mots de vie. Les découvertes scientifiques, elles-mêmes, collaborent à cette oeuvre. Abeille signifie bien plus pour nous que pour les anciens. Les mots sont devenus si riches qu’ils peuvent vivre seuls.

Nous sommes sur la route d’une poésie objective, c’est à dire que nous nous dirigeons vers ce point idéal où le verbe se crée de lui-même. Autonomie de la langue.

Dans la poésie visuelle les mots regardent l’homme et l’homme leur rend leur regard. »

 

Oeuvres poétiques 2

1968-1988

Préface de Martial Lengellé

750 pages

30 eurosBuy Now Button

Le lyrisme, chez Pierre Garnier, prend un visage nouveau. Il est l’expression d’un moi sans frontières, pourrait-on dire, polyglotte, qui s’émerveille devant l’attraction universelle ou l’immaculée conception du monde. Il ne s’agit pas, pour le poète, de recourir à un quelconque discours religieux (même si les marques du religieux sont, en effet, présentes dans nombre de textes), mais d’évoquer, loin des dogmes précisément, la recherche du moi véritable -universel- qui, pour s’affranchir des limites de l’ego, doit idéalement se délivrer du langage pour y revenir.

Oeuvres poétiques 3

1979-2002

Préface de Claude Debon

1222 pages

35 eurosBuy Now Button

Nous voici arrivés, avec ce troisième volume des Oeuvres poétiques de Piere Garnier, à la période de la pleine maturité du poète. 1979-2002. Pendant cette vingtaine d’années, la fécondité de sa création ne faiblira pas. En 1989, le poète est dégagé de ses obligations professionnelles, ce qui laisse beaucoup de temps pour écrire. Chaque année verra la parution d’un, ou le plus souvent de deux, voire trois recueils.

A regarder seulement quelques titres de cette période, surtout à partir de 1992, il saute aux yeux que le temps et surtout l' »autre temps », le temps passé, est l’obsession de celui qui touche aux portes de la vieillesse. Le regard en arrière convoque une enfance heureuse malgré la guerre 1939-1940.

Dans ce troisième volume, les oeuvres  poétiques de Pierre Garnier montrent qu’il n’a nullement renoncé à spatialiser la langue ni à faire parler les figures. Il a trouvé les moyens de mettre en mouvement  et en rapport toujours renouvelé les mots et les images visuelles, laissant au lecteur la liberté de construire sa propre rêverie.

Lettre de Pierre Garnier

lettre de Pierre

Pierre Garnier1113814490

à Cécile Odartchenko

8 rue Teulère – 33000 Bordeaux

Le 3 Novembre 2013

Chère Cécile, j’ai reçu ton courrier avec ta nouvelle galerie, Toi, au milieu de la nouvelle galerie, la rue, ton appartement, la beauté des pierres, la beauté de la rue, la beauté de tes fenêtres _ Toi, les livres, les tableaux, les œuvres de … _ bref, la vie nouvelle  – ce que j’admire, c’est ta possibilité de sauter d’une vie à une autre et de garder toujours le même, les mêmes objectifs, le même soleil, les mêmes soleils _ c’est formidable et je te souhaite tout ce nouveau clair à Bordeaux.

Ici, les 85 ans sont assez difficiles à passer, je ne bouge plus, enfin guère _ Je travaille toujours bien – surtout la poésie spatiale, j’arrive maintenant sur les sommets, c’est-à-dire sur les points (j’espère toujours qu’un jour tu publieras le 4ème tome des Oeuvres complètes).

Mon écriture devient (un peu) illisible _ Je te souhaite tout le bien, tout le beau pour ta nouvelle vie _ et je t’embrasse bien affectueusement,

                           Pierre

Je suis un abonnement à ta nouvelle Première Ligne.

Poezibao : Anthologie de Pierre Garnier

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Les Éditions des Vanneaux continuent la belle et courageuse entreprise de l’édition intégrale des œuvres de Pierre Garnier. Voici un second et fort volume consacré à l’œuvre poétique dans une édition qui est un tour de force tant la disposition spatiale de la plupart des poèmes de Pierre Garnier nécessite une grande compétence typographique. Poezibao n’est pas en mesure de reproduire ces poèmes-là mais publie ici quelques extraits d’Ornithopoésie (1986)

les dictatures n’aiment pas les oiseaux.
Ni leurs migrations secrètes.

tous leurs cris
retrouvés plus tard – affaiblis
dans les mots.

le moineau tenu par son épine.

l’hirondelle vole jusqu’au bout de son nom.

un roitelet
la mer
dans la durée des îles.

le corbeau :
sa langue de chancellerie.

*

l’oiseau glisse
hors de lui-même
se rattrapant
plus bas
remontant – puis se perdant
dans l’air qui fut,
qui est,
qui sera
au point d’être courbe.

son nid fait tic-tac.
Puis le pinson précise
le mot
son nid fait tic-tac.
Puis le pinson précise
le mot ″ étoile ″.

la langue des mouettes
– littérature
presqu’écrite.

Le chant de la fauvette :
déjà les collines

*

mince relief de l’oiseau mort :
presque du fil.

devant le roitelet la Mort
une montagne
qu’il va franchir devenant air.

cette mésange
veut s’agripper à un chêne
qui était là voici cent ans.

jeu d’échecs des vanneaux sur les champs
bougeant à peine :
quand le ver le murmure,
quand l’étoile le dit.

l’hiver l’alouette prend un dernier
grain de blé
Au printemps du blé pousse de l’alouette.

*

la tête du colibri
pleine d’un atome l’infini.

j’écoute le chant d’un pinson.
Puis tous deux nous restons silencieux :
qu’écoutons-nous le pinson et moi
depuis des siècles ?

le rossignol chante la nuit.
Le chant qu’il a écouté en silence tout le jour
les étoiles l’ont aussi écouté.

par son chant le merle n’éclaircit rien :
comme le poète
il crée des énigmes

le rossignol peint par touches
l’aube avant l’aube

 

Paons à Saisseval

les Indes dans le village,
oiseaux des îles – géants

ils marchent dans la rue
venant des millénaires plus que de l’infini

sont-ils les oiseaux de l’éternité ?

(caractéristique : ne volent pas à travers
l’espace, mais à travers le temps)

sur la route on les croise :
viennent d’un autre temps,
vont vers un autre temps.

sont de passage.

l’ailleurs ici.

ils marchent comme un compas trace un cercle.

musée en plein air.
ils ont toutes les couleurs de la terre
puisqu’il n’y en a aucune au ciel.

les yeux de la queue de paon ne voient rien
voient le monde.

toujours frileux en plein soleil.

le seul oiseau dont le cri est un appel,

je t’appelle du fond de mon abîme –

je suis là moi l’oiseau magnifique
moi, la pauvre créature,
je t’appelle aux quatre coins du village.

Requiem : le cri du paon.
Et ce temps qui fait roue libre.

Comme au fond du temps tout est rond
on ne retrouve plus l’histoire.

Dans le village ils soulignent la
non-élégance de l’Europe –
ils la souligneraient aussi bien sur les
Champs-Élysées

Ce fut pour eux une telle victoire
qu’espérer être.

Ils sont le O de l’origine.

ils entrent dans le zéro :
d’où leur beauté.

Saint-Quentin

papillons dans le jardin du Musée,
XVIIIe siècle.

Jean-Jacques ici beau et jeune
pense aux pervenches

et aux pensées qui sont aussi des fleurs.

Georges de la Tour        –        Quentin Latour.

nocturnes : ceux de Quentin sont
dans le temps qu’il fait, non
dans celui qui passe.

les nocturnes du premier sont
dans la nuit éternelle,
les nocturnes du second
éclairés par le jour.

à la fin du siècle ces mêmes têtes
ne seront plus qu’un cercle dans le ciel :

celle de Marie-Antoinette.

Robespierre aurait pu être peint
par Latour – mais pas Saint-Just

qui remit son visage à plus tard

tous attendent ici pour jouer
une pièce non encore écrite :

celle de l’au-delà.

l’au-delà, l’en-deçà –
où sont-ils ?
En tous cas très minces
tentant de passer entre la vie et la mort

Pierre Garnier, Œuvres poétiques 3, 1979-2002, préface de Claude Debon, Éditions Les Vanneaux, 2012, 35€, pp. 254 et 158

Pierre Garnier, Ornithopoésie (1986), repris dans Œuvres poétique 2, 1968-1988, préface de Martial Lengellé, Éditions des Vanneaux, 2009, non paginé, 30 €.

Hommage à Pierre Garnier : entretien avec l’éditrice de ses Œuvres complètes, Cécile Odartchenko, par Matthieu Gosztola

– Matthieu Gosztola : Ta maison d’éditions est consubstantiellement reliée à l’œuvre de Pierre Garnier : tu es notamment l’éditrice de ses Œuvres complètes. J’aimerais que nous revenions, pour ouvrir cet entretien, à la « première fois » : comment s’est opérée la rencontre avec son écriture ? 

– Cécile Odartchenko : Tu me demandes de te parler de la « première fois » ! J’ai rencontré Pierre en 2005, l’année de la création des éditions des Vanneaux, grâce à Jean Louis Rambour, que je voyais souvent dans nos réunions d’écrivains en Picardie, association créée par Roger Wallet. C’est avec l’aide de Roger Wallet que j’ai pu éditer les premiers livres des Vanneaux (trois) : celui de mon frère Paul Fleury, celui de Roger Wallet et celui de Jean Louis Rambour. La découverte de la poésie de Pierre grâce au premier recueil qu’il m’a confié : Heureux les oiseaux, ils vont avec la lumière a été une révélation, comme un coup de foudre, je suis tombée en amour ! Un amour qui a duré toutes ces années de travail pour la poésie, sous son aile protectrice ! Je faisais beaucoup d’ateliers d’écriture à l’époque, et immédiatement je me suis mise à lire sa poésie aux enfants et à faire des ateliers spatialistes. Je suis venue en parler avec Pierre, qui me recevait au début dans sa cuisine. Ilse passait, me saluait avec gentillesse mais s’éclipsait : elle avait sans doute compris très vite que j’avais une relation particulière avec Pierre, une relation exclusive. Nous parlions tous les deux très vivement, et Pierre très vite a voulu lire ce que j’écrivais aussi et en particulier le Nerval. Puis Chardonneret que j’ai donné à publier à Roger Wallet (qui me l’a demandé). Pierre m’a écrit de très belles lettres au sujet de mon écriture, et a voulu écrire la préface de Chardonneret

– Matthieu Gosztola : Tu as consacré un volume de ta collection « Présence de la poésie » à l’œuvre de Pierre Garnier. De ce volume sourd et une compréhension profonde de l’œuvre et une affinité avec celle-ci. Peux-tu revenir sur l’élaboration de ce volume…

– Cécile Odartchenko : Pierre a eu tout de suite une relation avec moi de poète à poète. Si bien qu’il m’a lui-même demandé d’écrire la préface de son livre dans la collection « Présence de la poésie ». Le titre de la collection, c’est lui qui l’a trouvé. Je n’étais pas universitaire et j’étais très intimidée à l’idée d’écrire cette préface, mais il a insisté. Alors j’y pensais la nuit, et très tôt le matin, les idées se mettaient en place et j’écrivais quelques pages. Puis vers dix heures, je téléphonais à Pierre et je lui lisais ces pages. Il les aimait beaucoup ! Ce texte n’a pratiquement pas été corrigé. Il est venu très naturellement comme dans une sorte de transe et j’en ai été très heureuse, comme on peut se sentir heureux en faisant l’amour ! J’avais l’impression de faire l’amour avec Pierre. Je crois que c’est ce que nous faisions d’une certaine façon ! Puis il y a eu l’idée de faire un autre petit livre dans la collection « Vanneaux », et ce fut Ce monde qui était deux… Là j’ai ressenti le besoin d’écrire un poème que j’ai fait lire à Pierre qui a tenu à ce que le poème paraisse en introduction du livre. C’est Pierre qui a insisté pour cela ! Je crois que Pierre a été durant toute sa vie incroyablement attentif aux autres et à la moindre manifestation de la poésie, de la créativité. Il aimait les femmes aussi, tout en aimant fidèlement Ilse, mais Pierre pouvait en prendre d’autres dans ses bras. Sur les photos de lui et de moi qui sont reproduites dans Chardonneret et dans le livre des devises, il me tient dans ses bras. C’est ainsi que je me suis toujours sentie auprès de lui, « protégée »… C’était un amour fort et sublimé, il y en a eu un autre de cet ordre dans ma vie, l’amour/amitié que j’ai eu pendant quarante ans avec André Bay. Ces deux hommes, Pierre et André, étaient des pères, des frères, des amants virtuels… des piliers, pilotis (pilotes) sur lesquels je construisais ma cabane dans les arbres.  

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Poezibao:EXtraits d’Œuvres poétiques 3, 1979-2002

Cécile Odartchenko poursuit aux éditions des Vanneaux sa grande entreprise de publication de l’œuvre complète de Pierre Garnier. Vient de paraître un nouveau volume, Œuvres poétiques 3, 1979-2002, préface de Claude Debon.

Paons à Saisseval

les Indes dans le village,
oiseaux des îles – géants

ils marchent dans la rue
venant des millénaires plus que de l’infini

sont-ils les oiseaux de l’éternité ?

(caractéristique : ne volent pas à travers
l’espace, mais à travers le temps)

sur la route on les croise :
viennent d’un autre temps,
vont vers un autre temps.

sont de passage.

l’ailleurs ici.

ils marchent comme un compas trace un cercle.

musée en plein air.
ils ont toutes les couleurs de la terre
puisqu’il n’y en a aucune au ciel.

les yeux de la queue de paon ne voient rien
voient le monde.

toujours frileux en plein soleil.

le seul oiseau dont le cri est un appel,

je t’appelle du fond de mon abîme –

je suis là moi l’oiseau magnifique
moi, la pauvre créature,
je t’appelle aux quatre coins du village.

Requiem : le cri du paon.
Et ce temps qui fait roue libre.

Comme au fond du temps tout est rond
on ne retrouve plus l’histoire.

Dans le village ils soulignent la
non-élégance de l’Europe –
ils la souligneraient aussi bien sur les
Champs-Élysées

Ce fut pour eux une telle victoire
qu’espérer être.

Ils sont le O de l’origine.

ils entrent dans le zéro :
d’où leur beauté.

Saint-Quentin

papillons dans le jardin du Musée,
XVIIIe siècle.

Jean-Jacques ici beau et jeune
pense aux pervenches

et aux pensées qui sont aussi des fleurs.

Georges de la Tour        –        Quentin Latour.

nocturnes : ceux de Quentin sont
dans le temps qu’il fait, non
dans celui qui passe.

les nocturnes du premier sont
dans la nuit éternelle,
les nocturnes du second
éclairés par le jour.

à la fin du siècle ces mêmes têtes
ne seront plus qu’un cercle dans le ciel :

celle de Marie-Antoinette.

Robespierre aurait pu être peint
par Latour – mais pas Saint-Just

qui remit son visage à plus tard

tous attendent ici pour jouer
une pièce non encore écrite :

celle de l’au-delà.

l’au-delà, l’en-deçà –
où sont-ils ?
En tous cas très minces
tentant de passer entre la vie et la mort

Pierre Garnier, Œuvres poétiques 3, 1979-2002, préface de Claude Debon, Éditions Les Vanneaux, 2012, 35€, pp. 254 et 158

Carte blanche à Poézibao – Hommage à Pierre Garnier

Hommage à Pierre Garnier
par une de ses éditrices, Cécile Odartchenko 

Pierre GarnierJe suis tombée en 2005, comme par hasard, dans le seau à moitié plein que Pierre a dessiné, un seau avec un mouchoir posé par-dessus dont il a dit que c’était celui de la grand-mère et qu’au fond du seau, il y avait une étoile.
Je me suis aussitôt transformée en étoile ce qui n’a rien d’étonnant quand on sait qu’il y a deux licornes au fronton de la gare Saint Roch dans le quartier d’Amiens où a vécu sa grand-mère et que les licornes président aux bains de jouvence de toute éternité.
Pour parler de Pierre, il ne faut rien de moins que cette certitude d’être comme une braise, une petite particule de lumière filante, dans le grand univers où la lumière fait loi.

En 42 à Amiens, dans le quartier Saint Roch, un ami de la famille Garnier, monsieur Boulanger, avec lequel Pierre partait en vélo faire des razzias dangereuses dans les décombres des bombardements, fut pris par la Gestapo. Sa femme fut convoquée et demanda à Pierre, étudiant déjà l’allemand, de venir avec elle pour lui servir de traducteur. Pierre traduisit tant bien que mal en effet sauf un mot qu’il ne connaissait pas :Lebensmittel. Plus tard, il chercha le mot dans le dictionnaire et apprit que ce mot signifiait VIVRE. Il éprouva une grande honte de ne pas connaître ce mot et à 80 ans il disait encore que la rougeur lui montait au front à ce souvenir.
Ignorer le sens du mot VIVRE c’est comme ignorer le soleil. Et le soleil sera toujours au centre de l’œuvre de Pierre – mais un soleil particulier avec des rayons qui s’écartent pour faire Lien. Rien de plus explicite que le dessin primaire de ce soleil pour exprimer la vie et son dynamisme, en effet.
Les images sur lesquelles s’appuie toute l’œuvre de Pierre forment ce qu’on appelle son œuvre spatialiste, ses devises, ses méditations ZEN et des éditeurs très nombreux se sont contentés de les reproduire avec ces légendes très simples, même pas des haïkus, qui les nomment, les détournent, les retournent, les traversent ou encore en multiplient les reflets et le sens.

En 2006 après avoir publié Ce monde qui était deux, ( notons au passage que Pierre proposait à un autre poète d’écrire un poème reflet du sien), je demandais à Pierre ce sur quoi il allait travailler maintenant. Il me dit, sur la transparence. Je n’avais aucune idée alors de ce que cela pouvait être et j’imaginais vaguement des poèmes dans la continuité de Rilke ou de Paul Celan.
Puis je partis en Bourgogne en résidence, au château de Bussy Rabutin, d’où je proposais aux poètes de mon cercle de rabutineravec moi et envoyais dans mes premières lettres des vignettes représentant les devises du château. Pierre se les appropria aussitôt et pendant 3 mois j’eus le privilège de recevoir 1 ou 2 fois par semaine un recueil épais de variations sur les devises. En fait ces variations étaient dans le style des dessins spatialistes déjà connus et des livres du poète YU, mais elles se renouvelaient à l’infini portées par l’inspiration particulière que Bussy et ses digressions amoureuses apportaient à Pierre ainsi que l’amitié qu’il me portait.
Appelée pendant ma résidence à faire 3 lectures publiques du travail en cours, j’apportais les devises de Pierre et à ma grande stupéfaction, je m’aperçus que le public les adoptait aussitôt et en saisissait pleinement la propriété conductrice de poésie, comme le fil de cuivre est conducteur. Je ne devais pas tarder à vérifier le phénomène auprès d’un public d’enfants et me mis à multiplier les ateliers portés par les dessins de Pierre.

Les résultats se sont avérés foudroyants – les images proposées que vous connaissez tous pour la plupart, cône, triangle, ligne, rond, soleil, toit, étoile, escargot, arche et j’en passe, par leur extrême simplicité ouvraient les portes du psychisme, du rêve et de la poésie.

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Poezibao : Oeuvres poétiques complètes, 1 de Pierre Garnier (une lecture d’Alain Helissen)

Pour célébrer les 80 ans de Pierre Garnier, Cécile Odartchenko, auteure déjà d’une monographie consacrée à ce poète, a entrepris l’édition de ses Œuvres poétiques complètes – l’adjectif n’est pas mentionné –. Saluons cette courageuse initiative qui vient couronner un poète dont le parcours, commencé dans les années 50 et riche de multiples étapes, méritait assurément un tel hommage. Pierre Garnier pratique d’abord une poésie « humaniste » s’inscrivant dans la mouvance de l’école de Rochefort qu’il fréquente d’ailleurs, tout comme le groupe de jeunes poètes réuni autour d’Elsa Triolet. Dès le début des années 60, il commence à se rebeller contre cette poésie qu’il juge trop « enracinée dans la langue », dénonçant son piétinement depuis le surréalisme, le lettrisme, l’école de Rochefort… Dans un premier manifeste daté de 1962, il en appelle à une poésie nouvelle visuelle et phonique. Il s’agit pour lui de « sortir les mots de la phrase », les libérer de leur enfermement, de quitter le rythme par trop lancinant de la poésie pour redonner toute sa puissance au mot, lui qui « n’existe qu’à l’état sauvage » et que la phrase veut civiliser. Ce sera l’émergence de la poésie « spatiale ». On pourrait y associer les adjectifs « concrète », « objective », « mécanique ». Les mots se trouvent isolés sur la page, une page, du reste, qui n’est plus leur support exclusif. C’est le moyen technique employé qui détermine la forme d’une poésie, affirme Pierre Garnier dans ce premier manifeste. Le poète va même jusqu’à ne plus faire apparaître, dans l’espace, que des lettres disposées selon des formes tenant davantage de l’image que du texte. Le temps des livres semble passé, annonce-t-il encore. Deux autres manifestes feront suite. Pierre Garnier y défend une « unité de l’univers » par un « verbe se créant de lui-même ». Il prône une poésie supranationale qui aboutirait à une langue universelle. Ainsi, les œuvres ne seraient plus traduites mais transmises visuellement. On mesure ici l’aspect révolutionnaire de ces propositions. Pierre Garnier compte parmi les précurseurs, au rang desquels on pourrait associer Henri Chopin et Bernard Heidsieck. Son héritage trouve encore des prolongements aujourd’hui dans les expériences formelles des nouvelles générations. Mais le spatialisme, dans sa raideur matérialiste, ne suffira pas à combler ses attentes. Pierre Garnier reviendra vers une « poésie linéaire épurée ». Préfacé par Lucien Wasselin, ce premier volume couvre la période 1950-1968. Il n’intègre pas, est-il précisé, les essais, textes théoriques, présentations, préfaces, articles, etc.…
En accompagnement de ce premier volume des Œuvres poétiques, Cécile Odartchenko publie encore deux ouvrages récents de Pierre Garnier, une manière de célébrer comme il se doit « l’année Pierre Garnier » nourrie, par ailleurs, de manifestations diverses. Je me contenterai de citer ici les 2 titres en question : Adolescence et La vie est un songe. Merci aux éditions des Vanneaux pour l’énergie déployée à sauvegarder de l’oubli des poètes dont l’œuvre s’inscrit sans conteste dans l’histoire de la poésie française. Notons, avant de conclure, l’originalité de présentation – très diversifiée – dont bénéficient tous les ouvrages publiés sous le label de ces éditions.

 
Contribution d’Alain Helissen

 

Pierre Garnier
Œuvres poétiques, 1. 1950-1968 ;
Ed. des vanneaux